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Voyage d'éléphants

11 avril 2011

Lima - Cusco

Nous sommes restés 3 jours et 4 nuits à Lima, dans une famille d'une gentillesse incroyable, gentillesse largement à la hauteur de la torta de tres leches que nous leur avons préparée, la veille de notre départ, un peu pour les remercier et beaucoup pour se faire plaisir... Nous y étions hébergés en même temps que deux artisans ambulants, respectivement vénézuélien et uruguayenne, qui parcourent l'Amérique du Sud en vendant leurs créations. Intéressant d'être en contact rapproché avec deux membres de cette communauté que l'on croise dans toutes les villes du monde, sortes de saltimbanques à dreadlocks et tendances hippies, assis derrière leurs petits étalages de bracelets de ficelle et pendentifs à dents de requins et pierres précieuses... en fait, pas de mystère, on apprend que la plupart d'entre eux dorment dans des hôtels et voyagent en bus, comme Monsieur-tout-le-monde.

Nous sommes remontés en selle couverts de cadeaux et de bénédictions, qui ont même amené Laura à porter un petit Christ autour du cou (idée de Marylin, la petite soeur de notre hôte et notre petit ange gardien, qui n'a cessé de nous envoyer des SMS d'encouragements sur notre portable par la suite) pendant les quelques jours qui ont suivi. Rencontre vibrante.

Nous prenons la 4 voies au Sud de Lima, la route des plages, couverte de pubs gigantesques spéciales vacances d'été sur au moins 100kms. Le deuxième jour, nous nous retrouvons au milieu de nulle part à l'heure du repas, aucun restaurant à l'horizon mais des vignes et des vignes à perte de vue. C'est la région d'Ica, réputée pour ses bons vins (mais nous n'en avons pas bu une goutte, dans notre mouvance du moment, ultradisciplinaire réglementée couche-tôt mange-sain). Alors que faire? Nous demandons secours à une dame au travail et elle nous indique la cantine des paysans, pointant du doigt le milieu d'un champ de vigne de l'autre côté de la route. Tous contents de cette expérience pittoresque qui s'annonce, nous nous enfonçons dans les vignes, sous les rires étonnés et les gentils quolibets des équipe d'ouvriers agricoles qui nous voient passer en poussant nos vélos, avec nos déguisements criards de cyclistes. Dans une cour de ferme, au milieu d'un tout petit hameau que notre présence aura secoué comme un tremblement de terre, un groupe de dames prépare une chicharronada, autrement dit, des morceaux de cochon frit dans l'huile, accompagnés de patates et de purée de fèves au piment. Notre estomac, en les voyant entrer un à un ces morceaux de friture frite et refrite, ne manquera pas de s'écrier, lui aussi: "Hmmm, quelle expérience pittoresque!" Bref, la digestion fut difficile.

Quelques nuits de camping sauvage au creux des dunes plus tard, nous arrivons à Chincha. Comme le veut la tradition, nous commençons à débattre à voix haute, dans la rue, des prix des hôtels (Laura radinant 5 malheureux soles, Matthias privilégiant l'option douche chaude). La discussion n'avance pas beaucoup et la fatigue nerveuse monte avec le ton de nos voix, lorsque dans notre dos retentit un "Bonjour!" bien franchouillard, du gars tout étonné d'entendre parler français à un endroit pareil. Ludovic, chauffagiste bourguignon. Il chattait sur Internet après ses journées de boulot et de périph en région parisienne jusqu'à ce qu'il décide de partir au Pérou, à Chincha, à la rencontre de Vanessa, la future mère d'Alexandre. Depuis, il parle couramment le chinchanais, salue les voisins d'une bonne grosse tape dans le dos et fait des projets de déménagement définitif. Son truc, c'est l'archéologie. Sur Alexandre le Grand, il est incollable. Nous accueillons ce nouveau clin d'oeil de notre bonne vieille amie la Providence avec gratitude et nous laissons installer dans l'appartement de ses beaux-parents, Jaime et Sonia.

Une bonne journée de repos et une virée chez un mécano incapable (encore un) plus tard, nous sommes repartis pour Ica, Palpa et Nasca. Le vélo de Laura fait de drôles de crissements mais "on verra bien"...

Du désert encore, de la chaleur... des cultures de cactus (!). Derrière une colline, wow, une grande vallée fertile et puis à nouveau de la poussière, un vent brûlant, de la caillasse.

Nous traversons brièvement la plaine immense où sont dessinées les fameuses lignes de Nasca et grimpons en haut d'un mirador à 2 soles pour distinguer vaguement une espèce de hibou avec deux mains et un arbre stylisé. Ça casse pas des briques. On file jusqu'à Nasca, la ville aux portes de la grande, grande montée jusqu'à des hauteurs jamais atteintes, 4500m d'altitude...

À Nasca, achat d'une tente à 1.4kgs seulement, chez un marchand d'armes pas rassurant. On le regarde anxieusement s'y reprendre à deux fois pour réenfiler la tente, qu'il nous a gentiment dépliée, dans son étui d'origine, et si ça l'énervait d'un coup, qu'il dégainait deux flingues de la vitrine et qu'il nous tuait tous en éclatant d'un grand rire hystérique? Mais non, fabulations d'amateurs.

On est frais, on attaque la montée le lendemain, aux aurores, en chiquant la feuille de coca pour se donner du moteur. Bonheur de nos retrouvailles avec la montagne. On n'en finit par de se réjouir de tournicoter dans les mille et un lacets de la montée de Nasca, une route satinée, toute neuve, qui en 84 kms nous emmène au pays des vigognes et des alpacas. D'abord, on longe un fleuve asséché depuis sûrement plusieurs centaines d'années. Ce sont encore des cailloux, de la poussière, et des cactus de type ronds avec des excroissances orange vif qui sont leurs fruits. Le soleil se lève et s'étire, il ne fait pas mal, il réchauffe juste ce qu'il faut. Lorsqu'il est bien réveillé et qu'il commence à cuire, on est déjà grimpés à plus de 1000m d'altitude. C'est alors le retour de la planète Mars : des kilomètres et des kilomètres de montagnes de pousière oragne bossues, hérissées par endroits de cactus d'un genre nouveau. Matthias remarque leur ressemblance avec les mains de l'espèce de hibou nasca, des cactus comme des mains avec de longs doigts recourbés vers l'intérieur, d'allure totémique. Nous continuons à grimper dans des températures convenables, par paquets de 6 kms. À cours d'eau potable, on commence à flipper, surtout lorsqu'enfin on trouve un village et qu'il est absolument désert, si ce n'est un gros dindon pas commode chargé de la garde du dépôt de boissons (fermé) en l'absence de ses propriétaires. Heureusement, l'angoisse ne durera que 3 kms et nous trouverons un restaurant tenu par un monsieur qui nous propose de le racheter pour vraiment pas cher, et qui nous vend des boissons énergétiques et de l'eau. Au kilomètre 52, nous faisons escale à Villatambo, dans un restau routier, le seul avant le kilomètre 84 (la cime). Notre séjour se prolonge parce que Matthias doit retourner à Nasca en stop pour faire réviser la roue avant de Laura qui fait vraiment beaucoup de bruit: le mécano de Chincha lui avait mis 11 billes de roulement au lieu de 9, une erreur que nous ne qualifierons pas.

Nous finissons tout de même la montée le lendemain après-midi, et arrivons au km 84 à la tombée de la nuit, au milieu de l'immense réserve naturelle de Pampa Galeras, salués par plusieurs familles de vigognes (espèce de camélidé en voie de disparition, sorte d'antilope des altiplanos). Dormons dans un dortoir construit par un groupe de biologistes allemands dans les années 80, à la création de la réserve. Ô bonheur du matelas et des couvertures, alors que dehors, il caille sec. Pas loin de zéro à l'ombre, quelques paquets de neige par-ci par-là.

De là, nous resterons, pour faire court, plusieurs jours consécutifs à plus de 4000m d'altitude. C'est rude pour les poumons et on n'avance pas très vite. Tant pis, tant mieux, parce que ça nous donne l'occasion de regarder tomber la pluie à l'abri dans des chalets-restaurants d'altitude, au milieu des éleveurs d'alpacas. On apprend beaucoup au contact de ces gens qui vivent dans des conditions d'isolement aussi extrêmes. L'espace s'élargit à mesure que la nature se fait hostile. Et puis, c'est la grande redescente jusqu'à Puquio, et soudain on retrouve tout le vert du Pérou : les ruisseaux bondissants, les gras pâturages, les fleurs sauvages et les papillons. Un petit morceau de Suisse romande au milieu du Pérou.

Les 300 derniers kilomètres, en gros, jusqu'à Cusco, nous dévalons et remontons des vallées encaissées et exubérantes. Quelques cols de difficulté moyenne nous cassent les jambes juste ce qu'il faut pour nous ouvrir l'appétit... Ça tombe bien car les truites sont excellentes! Les climats se succèdent à la vitesse des latitudes. Un bref passage de presqu'Afrique avec papayiers, manguiers et perroquets nous enchante complètement.

À Casinchihua, km 416, nous dormons chez un vieux monsieur qui vit entouré de tous ses animaux: 2 chiens malades, au moins 3 chats timides, une trentaine de cochons d'inde (destinés à la consommation), une colombe paraplégique et une énorme poule diva avec une coupe d'enfer et des plumes entre les serres. Maître en son domaine, c'est un homme heureux.

À Curahuasi, à deux étapes de Cusco, nous sommes logés chez une dame d'origine quichua extraordinaire, qui a ouvert sa petite auberge au creux des champs. Nous partageons avec elle notre soupe aux vermicelles et nos arepas de farine de blé, en parlant d'avortement, de nucléaire et de perspectives de vie...

Et nous voilà au terme de notre voyage, à Cusco. Nous avons décidé de le clore plus tôt que prévu car le temps passe et le Brésil n'attend plus...

Prochain épisode: épilogues, les adieux aux bicyclettes ; le trek de 5 jours jusqu'au Machu Picchu ; le lac Titicaca ; et la ville de La Paz en coup de vent.

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17 mars 2011

Loja - Lima

Il a d'abord fallu sortir complètement d'une cordillère, parce que la frontière avec le Pérou se caractérise par un changement brutal d'altimétrie et de climat. On passe de 2500m au niveau de la mer en quelques centaines de kilomètres. La montagne dégouline de chaleur jusqu'à s'effondrer complètement par terre, mais non sans résistance, nous avons encore dû grimper quelques cols avant d'en sortir définitivement.

À une trentaine de kilomètres de la ville-frontière, Macará, la chaîne de Matthias a lâché. Elle n'y tenait plus, une vie de chaîne de vélo c'est pas drôle. Nous nous sommes lancés avec Matthias un regard consterné : va-t-il falloir, une fois de plus, se déshonorer, attendre le bus comme de vulgaires piétons? Quelques secondes à peine après l'évènement, un pick-up s'arrête et nous charge avec les vélos sans faire de commentaires. Nous arrivons miraculeusement à Macará sans passer par-dessus bord, le chauffeur soigne ses freins tous neufs, nous supposons, et la chaleur nous cloue au sol comme un grand coup de pelle asséné sur le haut du crâne. Nous décidons de rester à Macará un jour de plus pour nous remettre du changement de température. Dans les terres, il n'y a que très peu d'air et le thermomètre reste bloqué au-dessus de 25 degrés même la nuit.

Nous passons la frontière le mercredi 23 février autour de 5 heures 30 du matin. Le douanier nous tamponne nos passeports dans un demi-sommeil.

La frontière marque un brusque changement de décor : des vertes montagnes aux milles cascades colombiennes et équatoriennes, nous passons à l'aride cuvette nord-péruvienne bordée de cactus, un vent rare charge l'air de poussière brûlante et ils n'est pas rare que nous passions à hauteur de carcasses de vaches ou de mules à moitié dévorées par les charognards locaux, qui zonent en bandes au-dessus de nos têtes aux heures les plus chaudes de la journée.

Première étape : la ville de Sullana, nous découvrons, pas franchement enchantés, le style urbain local. Le klaxon règne en maître absolu sur le code de la route, le moyen de transport de prédilection des Péruviens est la moto-taxi et les minibus cinglés, concus pour les slaloms entre les voitures et accessoirement, les vélos. Mais ici, heureusement, il y en a peu. Par contre, la nourriture se hisse à la hauteur de nos espérances : dans le premier village que nous traversons après la frontière, nous nous faisons servir un ceviche (plat typique péruvien, morceaux de poisson ou crustacés très frais baignés dans un jus de citron et d'oignons doux) par une dame qui a installé sa petite cantine au bord de la route (l'amérique du sud regorge de ce genre de petites débrouillardises informelles maison, et les éléphants en raffolent). Un oasis de fraîcheur, ce ceviche. Et puis à Sullana, nous trouvons une autre cantine pas loin de l'hôtel où nous dégustons le menu du soir, qui comprend ô joie une bonne salade de crudités et un dessert, chose inédite depuis la Colombie, le classique péruvien du flan surmonté de gélatine. Très digeste.

Sur la route de Sullana à Piura, la dernière ville aux portes du désert de la Sechura, nous faisons la rencontre de Robert, un cycliste solitaire qui par la suite nous sera d'une grande aide puisqu'il parcourt exactement la même route que nous dans le sens contraire. Un homme simple, un prof, tout en bleu et avec un équipement de pointe. Pas un de ces va-nus-pieds comme il en passe par centaines sur les routes. La classe british, la victoire modeste, la pédale toute en flegme.

Après Piura, notre première expérience de camping sauvage nous attend dans le désert de la Sechura : 200kms de sable et buissons d'épine avec le vent de face. Des rafales impressionnantes qui nous ont pas mal ralentis. Il nous faudra 2 jours et demi de pédale dure pour le traverser et rejoindre Chiclayo, la vallée fertile des anciens Mochicas. Nous dormons sous une moustiquaire accrochée au sommet d'un grand bâton à l'aide d'un tendeur, isolés du sol par deux mètres carrés de moquette achetée au marché de Piura. Pas besoin de couverture. Nous cuisinons soupes, pâtes, arepas et café au feu de bois devant des couchers et levers de soleil à couper le souffle. Nous décidons de renouveler l'expérience plus tard, pour la grande portion Trujillo - Lima, ce que nous ferons.

Entre Chiclayo et Trujillo, nous ne trouvons pas de lieu de campement idoine et devons nous résoudre à retourner à l'hôtel, dans une petite station balnéaire du nom de Pacasmayo. C'est là que nous faisons la rencontre d'un Don Quijote d'un genre unique, Paco. Tempête sous un crâne, mais sans que rien ne déborde. D'abord nous le prenons pour l'idiot du village, un grand dadais qui soliloque tout seul sur un banc, jusqu'à ce qu'il nous lance, hilare : "La France a été envahie par les Nazis, détruite et reconstruite par la suite. Marie-Antoinette, couic, décapitée! Les films comme Cléopâtre, Les Derniers jours de Pompéi... ils sont bien longs, on s'endort devant à force de devoir se tenir la tête droite." Nous l'invitons boire un jus de fruits et une des conclusions que nous réussissons à tirer d'un entretien à bâtons rompus est que "La Hollande se caractérise par ses vaches." Une phrase tombée du ciel, entre le jus de papaye et le gâteau aux trois laits, dont nous reparlerons.

À Trujillo existe depuis 1985 une "Maison du Cycliste" tenue par la famille Ramirez. Elle accueille les cyclistes du monde entier et détient sous clef 7 livres d'or qui sont après l'or des Incas, le trésor le plus convoité des Amériques. Nous en entendons parler depuis la Colombie. Lucho, le coureur-mécano, nous accueille entre deux trucs importants à faire (il a toujours deux trucs importants à faire). Il nous scanne en trois secondes : petits Francais qui débutent dans le milieu, marques de bronzage sur les cuisses réglementaire, pas des crève-la-faim squatteurs, c'est bon il nous file la clé de la porte d'entrée, nous promet une chambre pour le soir-même et part régler ses emplettes.

À nous, il nous fait un super effet : son sourire, ses questions enthousiastes, son calme absolu dans la gestion de cette maison dont nous nous imaginons qu'elle doit poser quand même bien des problèmes d'organisation puisque les cyclistes de passage, ces espèces de nomades dégénérés, se la partagent avec des membres de la famille de Lucho qui ont l'air d'être des gens plutôt ordonnés. Un groupe de collègues cycliste occupe déjà l'espace depuis un mois, des artistes de rue Slaves super bordéliques qui aiment jouer de la musique dans l'atelier après les spectacles dans le centre-ville, nous dira Lucho, parfois jusqu'à 5 heures du matin. L'ambiance n'est pas tout à fait ce que l'on peut appeler détendue mais nous passons quand même 5 jours dans cette maison du cycliste, le temps de faire connaissance avec ce groupe de musiciens un peu horripilants mais sympas, de se refaire une santé à grands coups de gâteau aux trois laits, de se perdre dans les pages des livres d'or, de découvrir l'existence de personnages comme Heinz Stücke , un cycliste allemand qui depuis son départ il y a 46 ans, n'est jamais rentré chez lui... et bien sûr, de faire la rencontre d'Aracelli, la femme de Lucho, qui nous délivrera le secret de la recette du gâteau aux trois laits, le 3ème trésor le mieux gardé des Amériques.

Le gâteau aux trois laits consiste en un biscuit d'oeufs, sucre et farine de blé extrêmement moelleux, trempé de lait concentré et nappé de crème fouettée. C'est un délice tel qu'il en existe peu au monde. Pour ceux que cela intéresse, nous avons la recette, rendez-vous dans notre futur appartement à Lyon, c'est avec plaisir que nous vous inviterons à une dégustation privilégiée.

Nous repartons de Trujillo les vélos tous fringants, chouchoutés par Lucho toute la nuit de la veille de notre départ. Des soins de spécialiste : recentrage au millimètre des rayons, changement de l'axe des pédales, nettoyage minutieux... Nous apprenons comment soigner un vélo malade, stressé ou surmené.

Et pénétrons dans la terre d'avant les hommes, l'aridité rouge de la côte Pacifique qui sépare Trujillo de la capitale. 560 kms de planète Mars, nous sommes à certains endroits, les seuls êtres humains à plus de 50 kms à la ronde, une sensation tout à fait unique que seules les personnes qui ont déjà été dans un désert peuvent connaître.

Nous y passons 5 jours et 4 nuits de camping sauvage. Laissons la moustiquaire au placard, les moustiques mêmes ont renoncé à venir explorer cet endroit oublié du monde. Sortons, par contre, les couvertures, écarpes et chaussettes en alpaca parce qu'il y fait un froid de canard la nuit.

Cette expérience nous marquera au point que le 5ème jour, en voyant au loin réapparaître la couleur verte et avec elle, les cultures, les hommes, les voitures, nos gorges se serrent... L'entrée dans Lima nous semble d'une violence inouïe après tout ce silence et ce vide autour de nous.

Mais nous y faisons la rencontre de la famille de Dante, qui nous accueille dans le peu d'espace dont elle dispose, dans son appartement de la banlieue Sud de Lima. Nous y sommes en ce moment, c'est pourquoi nous ne nous étendrons pas outre mesure sur le sujet...

À suivre donc :
- la famille de Dante, espoir pour l'humanité
- le désert, encore, et l'appel de la vie sauvage, peut-être sans retour, jusqu'à Nasca (les fameuses lignes dont on ne connaît pas l'origine exacte)
- le col de 4000m pour rejoindre Cusco
- le Macchu Pichu, cité interdite du dernier des Empereurs Incas.

 

8 février 2011

Quito - Loja

Deux tronçons difficiles:

1/ QUITO - CUENCA, 400kms, 5 jours

D'abord, performance jamais égalée dans tous les records cyclistes mondiaux, nous parcourons la bagatelle de 280kms de haute montagne en 3 jours seulement. Des brutes. Il nous en faudra 5 au total jusqu'à Cuenca.
Ensuite, entrée en scène remarquée du brouillard et de la pluie, et dans la foulée d'un paquet de problèmes dont nous ne citerons que des exemples: la lutte désespérée contre les chaussures mouillées, la collection de sacs plastiques de bonne qualité (nous irons même jusqu'à acheter des sacs plastiques, c'est dire où va l'absurde de notre condition), la puanteur généralisée des choses dont nous nous servons quotidiennement... etc.
Enfin, la poisse la plus fourbe continue à s'abattre sur le sort de ce pauvre Matthias qui, à peine relevé de son repas de midi de l'avant-dernière étape qui nous sépare de Cuenca, voit sa chambre à air avant exploser littéralement au premier coup de frein. Une traîtrise de la Fortune, une infamie, nous en venons à soupçonner les habitants du village, Zhud (il faut dire qu'avec un nom pareil il ne pouvait guère advenir que quelque évènement funeste), de nous avoir lacéré le pneu au cutter. Parce que c'était un pneu tout neuf et très cher dans un caoutchouc ultra-résistant (kevlar) fait pour tenir sans crever sur 10.000kms. Il n'y a rien à faire. Pas de pneu de remplacement avant Cuenca, on ne se procure pas ce genre de pneu dans les petits ateliers de réparation des villages de montagne.
Alors... pour la première fois depuis le début de notre voyage, après avoir vaincu le chaud, le froid, les diarrhées, les constipations, les angines, la pluie, le brouillard, les montées à 18%, la nourriture avariée des restaurants, une bête entaille dans un bête pneu nous terrasse et nous... prenons le bus. Psychologiquement, ça peut paraître étrange dit comme ça, mais c'est assez dur à encaisser. Nous ferons les 90 derniers kms en bus jusqu'à notre étape-repos, Cuenca.

Cuenca est la troisième plus grande ville de l'Équateur, et la plus ancienne (centre important de l'empire inca ; conquête stratégique de l'empire espagnol). Nous décidons d'y marquer une pause de deux jours complets durant lesquels nous ne rencontrerons PERSONNE et rechercherons la paix de l'âme et des intestins. La direction de l'hôtel des Alamos, à deux pas du terminal de bus, nous ouvre les portes de sa cuisine et nous pouvons enfin céder à tous nos caprices: fruits, légumes, pâtes et arepas de maïs, le bonheur. Car l'Équateur maintient sa population sous une pression constante à l'aide d'une redoutable tyrannie alimentaire: 500g de riz blanc et "sec de poulet" (traduction libre de "seco de pollo") c'est-à-dire petite aile malingre de poule de batterie arrosée d'une sauce douteuse à tous les repas (matin, midi et soir). Ceci n'est pas une exagération visant à amuser nos lecteurs, c'est la pure et simple vérité. Et il paraît que la Bolivie adopte la même politique de terreur, nous en tremblons d'avance. 

2/ CUENCA - LOJA, 200kms, 3 jours

Encore du grand cyclisme, de la montagne balèze, avec des super cols (que nous avons roulés) et des super montées sur des kilomètres et des kilomètres de brouillard et de pluie pour la majorité d'entre eux. Dans un petit bled au fond d'une vallée, on rencontre une mamie que ça n'a pas l'air d'impressionner, il faut dire que ça fait des années qu'elle se l'enquille, le tronçon Cuenca - Loja, pour le pélerinage annuel de la Vierge du Cygne, alors nous avec nos vélos on la fait bien rigoler.
La première nuit, nous la passons à La Paz, petit bled perché en haut de 3100m de nuages lourds et geignards. Nous y faisons la rencontre magique de Judith, une herbe folle qui a poussé au milieu de nulle part et qui continue de croître de plus en plus vite sans se préoccuper du qu'en-dira-t-on. Elle tient l'épicerie-restau de son oncle. Au mur sont accrochés quelques uns de ses poèmes, qu'elle nomme ses "créativités", et quelques belles pièces de tissage de brins de malte, sorte de vannerie à l'équatorienne. Elle nous sert le sec de poulet et le riz blanc, mais on le trouve super bon. Une tisane magique mauve clair, faite d'un mélange de fleurs et de plantes médicinales dont elle a le secret. Elle nous parle du bien que l'on fait et du bonheur que l'on reçoit, de la vie qui est belle, de l'amour... Nous sommes ensorcelés. Elle nous remet au comble de notre joie la clé du petit couvent-école attenant à l'Église qui comprend sommier, matelas, draps et couvertures en surnombre et nous dormons d'un sommeil profond et paisible.
Le lendemain matin, le soleil a vaincu, nous partons le coeur léger et la vue longue. Elle ne raccourcira à nouveau (autre façon de dire: le brouillard ne reprendra ses droits sur le paysage) qu'après la seconde et avant-dernière montée. Ô rage. Étape d'une difficulté plus que moyenne, nous arrivons au bivouac complètement épuisés. Le jour suivant, nous jouissons de paysages splendides et de températures agréables jusqu'à Loja.
Loja: ville moyenne plutôt jolie. Nous sommes logés dans une famille équatorienne avec laquelle nous avons un peu de mal à intérargir... Ce soir, nous allons tenter de les charmer en leur préparant des crêpes, notre bonne vieille stratégie de séduction qui marche toujours.

À 3 jours de la frontière avec le Pérou où nous attend un tout autre décor... Celui du désert aride, de la sécheresse, de la morne et interminable plaine de poussière en suspens, des charognards guettant notre chute dans le sable pour nous éventrer et se délecter des quelques morceaux de chair qui seront restés accrochés à nos vieux os poreux.

29 janvier 2011

Passage en Equateur

Au programme du matin, visite de la Cathédrale de las Lajas, immense édifice bati sur un pont au dessus d'une gorge fluvial (un petit coin d'Ariège perdu dans les Andes), suite à un petit miracle de notre Seigneur. Un beau, une jeune indienne se serait écriée suite à une apparition de la Vierge: "Mamá, mamá, me llama la Mestiza " ("Maman, maman, la Métisse m'appelle"). Oui, les Indiens appellent la Vierge "La Métisse" sans ironie aucune. C'est une intéressante question de point de vue. Après quoi, le pont réputé pour ses nombreuses morts n'a plus jamais connu d'accident, et plusieurs malades ou aveugles ont été guéri.

Tout au long de la journée, nous continuons de découvrir des nouveautés culinaires (en Colombie, il y a des spécialités nouvelles jusqu'au derniers mètres avant la frontière): les arepas cuites dans des moules en terre et le savoureux pan de maïs.

Après avoir réglé quelques derniers points techniques au centre ville (ouverture de bande pour le portable, récupération du linge à la laverie, reconstitution des stocks de médicaments et autres shampooings), nous nous mîmes en route pour la frontière. Il s'agit de traverser un pont et de récupérer un tampon sur son passeport auprès de la douane. Rien de plus facile.
Bien qu'imaginaire, cette ligne à peine franchie nous fait ressentir des différences très fortes. Les routes pour commencer, qui sont en excellent état, ainsi que la végétation, les visages, accents, le dollar américain et une foule d'autres choses fondues dans le décor nous font sentir une incroyable nostalgie pour la Colombie et ses habitants. Pour la première fois depuis longtemps, nous nous sentons perdus et étrangers, tout le travail d'intégration semble à refaire. Vraiment étrange.

29 janvier 2011

Étape Tulcán - Quito, fin d'un chapitre

Trois jours et demi de vélo pour joindre Tulcán à la capitale, Quito. Un peu plus de 200kms de montagne, mais rien n'effraie plus nos jambes nourries à la cordillère et aux 3000m d'altitude. De vrais Hercules.

Le premier jour, c'est plutôt de la descente, vertigineuse et enchanteresse (nous filons à travers un grand festival de canyons, haricots magiques de 15m de haut, gigantesques montagnes pelées ou hérissées de bouquets de cactus) jusqu'à la vallée du Chota. Nous retombons en pleine Afrique, à 1600m d'altitude. Il fait une chaleur à crever et nous devons demander refuge à la sournoise petite mamie doyenne du village d'Ambuquí, qui cherche à nous extorquer 15 scandaleux dollars pour la location d'un matelas de 10cm d'épaisseur dans un espèce de débarras plein de toiles d'araignées. Nous refusons le prix tout net et partons manger de la spécialité locale (cochon grillé, maïs blanc bouilli et quelle surprise, riz ; au dessert glace d'un fruit intraduisible, l'ovo) un peu plus bas, lui laissant le temps de méditer sur sa conduite. À notre retour, elle a changé d'avis, c'est nous qui fixons les prix. Nous lui faisons le super cadeau de 8 dollars en remerciement de son hospitalité et décidons de nous mêler à la couleur locale en allant boire une petite limonade au bar voisin. Trois âmes y cuvent leurs cuites de la veille et de l'avant-veille en se cuitant au vin de pêche pour assurer la cuvée du lendemain. Une scène un peu désespérante : y sont mêlés des enfants que l'on asperge de bière au passage parce qu'on ne tient plus debout. Les hommes comme les femmes, plus personne ne marche droit, c'est qu'il n'y a rien d'autre à faire dans ce village. Nous consentons à nous donner en spectacle à la demande générale pour échapper à la tournée de vin pêche et dansons quelques salsas entre nous, puis avec quelques ambuquinois funambules. Et partons nous coucher, puisque non merci, pour la quarantième fois nous ne voulons pas de vin de pêche, et qu'il n'y a pourtant que cela à faire.

Le deuxième jour Ambuquí - Otavalo, nous traversons la vallée du Chota : fleurs rose, fleurs jaunes, fleurs orange dont la croissance consiste à pourfendre la fleur qui précède suivant une chaîne de meurtres à la verticale très curieuse comme la technique des colliers de pâquerettes, fleurs comme des cloches en papier de soie, fleurs cramoisies comme des bulles de sang en haut des cactus et dont les gens font la cueillette pour les manger... et petites mouches vampires dont nous nous souviendrons. Remontons sur les hauteurs jusqu'à Ambarra laissant aux mouches quelques millilitres de sang en partage. De Ambarra, nous filons à Otavalo. La route est un tapis de satin. À Otavalo, les femmes Quichwa portent les habits traditionnels: sandales en toile recouvrant la pointe et le talon avec semelles en osier, chemises en coton blanc brodé de fils de couleurs vives, jupes fendues et doublées et tissu épais bleu foncé et blanc pour le jupon, châle passé en travers de la poitrine, nattes. Les femmes et les hommes aux longs cheveux noirs que nous voyons passer dans les rues d'Otavalo portent une histoire millénaire sur leurs visages, et de toute leur personne émane une grande dignité. Nous manquons de fondre en larmes en découvrant à deux pas de l'hôtel un restaurant qui comprend une carte à fromages, vins et salades. Nous endormons les papilles extatiques.

Troisième jour : en passant par Cayambe où, ô joie, ils font eux aussi de super fromages, jusqu'à Guayllabamba, au pied de la montée pour Quito. Au cours de cette étape, nous franchissons ni plus ni moins que la ligne de l'Équateur et passons ainsi d'un hémisphère à l'autre, et de l'hiver à l'été. C'est un peu extraordinaire alors pour marquer le coup, la terre s'ouvre en de profonds sillons qui deviennent des canyons tout en bas et les vents se mettent à souffler tous en même temps avec une violence inouïe, soulevant d'aléatoires nuages de poussières qui nous piquent les yeux, et menaçant de nous projeter dans d'insondables précipices. Nous grimpons cinq ou six cents mètres que nous redescendons symétriquement (la condition prométhéenne du cycliste en montagne) et tombons au fond d'une vallée poussiérieuse, dans un village-étape, grand parking à camions, pas très funky et au nom imprononçable : Guayllabamba.

Quatrième jour : le petit raidillon de 600m de dénivelé sur 12kms pour atteindre les hauteurs de Quito, ville étalée comme une tartine de beurre sur toute l'étendue d'un vallée encaissée entre plusieurs volcans de plus de 4000m d'altitude. Un peu magique comme endroit, quand même. Un centre historique époustouflant, qu'ils viennent tout juste de restaurer après un grand tremblement de terre. Bonne ambiance. Nous traversons 25kms de ville un peu pénibles et dégotons un petit hôtel pas cher que nous laisserons deux nuits plus tard pour la chambre grand luxe d'une amie guatémaltèque : Anna.

Presque une semaine a passé et nous sommes toujours à Quito. Les rencontres nous y aurons retenus un peu plus longtemps que prévu : Ricardo, un "Paisa" (de la ville de Medellín en Colombie, dont les habitants sont réputés pour leur débrouille) pure souche qui revient du service militaire sans le moindre pet au casque, frais comme une fleur des champs, avec une envie de croquer dans la vie qui donne froid dans le dos ; Leandro, un quiteño épris de théâtre et qui fait ses études en Argentine pour devenir une star du cinéma mexicain ; Adonis le cubain qui à la déclaration innocente de Matthias "J'adorerais aller à Cuba" répond "Moi aussi!" : une très bonne blague castriste car au bout de 11 mois hors du régime, c'est inscrit dans la loi, un Cubain perd la nationalité et doit demander un visa pour retourner dans son propre pays ; Anna notre hôte guatémaltèque qui a roulé sa bosse par monts et par vaux et qui fait actuellement un stage dans les Amazones équatoriennes pour obtenir le diplôme de prof de rafting ; Fernando le physicien argentin sur la route depuis plus d'un mois à dormir sur les plages et à vendre ses excellentes photos de voyage pour gagner sa croûte... Des visages et des voix qu'on oubliera peut-être, sûrement même, mais qui pour quelques instants sont un peu notre famille et notre maison à l'autre bout du monde.

La semaine de repos se termine aujourd'hui, il faut régler les préparatifs et repartir. Le plan est de traverser toute la Sierra andine équatorienne jusqu'à Cuenca, de piquer sur la côte pour passer la frontière du Pérou et de là, suivre la côte jusqu'à Lima. Ceci constitue le second chapitre de notre voyage, nous y entrons demain au lever du soleil.
Décision fut prise, également, à Quito, à l'issue de longues tergiversations, de ne pas aller au Chili. Trop grand détour, pas le temps. Une fois à Lima, nous piquerons sur La Paz, en Bolivie (troisième et dernier chapitre du deuxième tome), ce qui nous permettra à la fois de voir le Machu Picchu et le lac Titicaca et d'arriver plus vite au Brésil. Notre aventure à velo s'achèvera très probablement en avril dans la ville de La Paz et nous passerons au troisième tome : le Brésil!

À voir si ça n'est pas déjà fait: les photos sur la page facebook de Matthias (Matthias Péri Moreno sur les grands registres de facebook).

(petite anecdote en live : j'écris ces lignes au son de "Vas-y Franky c'est bon", incroyable rencontre au fond d'un cyber-café du quartier des affaires de Quito)

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28 janvier 2011

Pedregal - Ipiales

Matthias se réveille la gorge en sang: retour en force de son angine. Nous nous promettons de chercher un docteur à Ipiales, une double-aspirine et en route. Quinze kilomètres de montée suave suivis d'une dizaine un peu plus ardus nous conduisent à la dernière ville de Colombie.

Après avoir debusqué un hotel bon marché, Laura part en mission linge pendant que Matthias se met en quete d'un docteur. Un premier centre médical lui recommande de se rendre au service des urgences de l'hopital civil. Ceux qui connaissent savent qu'il s'agit d'une petite aventure longue et stressante, relevée ici à la sauce andine. Rapidement rejoint par Laura qui a couronné sa mission de succès, nous assistons à une débauche de vilainerie, de vieillards pleurnichant comme des enfants pour etre recus avant les autres, mais dont le principal problème médical semble etre l'incapacité à attendre leur tour, et passant ainsi avant les malades qui n'ont plus la force de gémir et semblent destinés à crever dans la salle d'attente. Nous nous insurgeons, appelons un infirmier et dénonçons le scandale (Matthias s'étant lui meme fait passer devant par plus de huit personnes pendant deux heures), un ordre de passage est rapidement mis en place, et les derniers gredins surveillés d'un regard sombre.

Nous quittons donc l'hopital à la nuit tombée, après une consultation banale mais donnant accès à une ordonnance et aux précieux antibiotiques.

Passons à une étape plus joyeuse: Laura offre comme cadeau d'anniversaire à Matthias son premier "cuy" (cochon d'inde) grillé. Un véritable délice, dans le quartier indien "El Charco", dont toutes les maisons sont peintes de hiéroglyphes et autres dessins tribaux. Deux Colombiens assis à coté de nous nous laissent perplexes en abandonnant de leur pauvre animal servi entier que quelques os minuscules et impeccablement nettoyés.... Qu'ont-ils donc fait du crane?

27 janvier 2011

Anniversaire de Matthias!

Levès tot pour l'expédition vers la "Laguna Verde" (lac volcanique à 4000 m d'altitude, aux eaux vertes à cause du souffre). Nous nous baffrons d'hojaldras tout en guettant l'arrivée des premiers bus se rendant à la ville de Tuquerres. Une Chiva (bus très large, ancien camion à chèvres reconverti, peint de couleurs vives et décoré de nombreuses imprécations et figurines pour la Vierge) pleine d'Indiens nous recueille et nous y monte à travers une route poussiéreuse et non-pavimentée. Sortir des sentiers battus (ie s'éloigner de la panaméricaine et des grandes villes) constitue toujours une expérience saisissante en termes de paysages, gens et moeurs. Nous avons immédiatement l'impression de voyager dans le temps et l'espace, sur une carte postale ou un dagueréotype à l'ancienne.

Sur la grande place de Tuquerres, un grand Simón Bolivar sabre au clair, un peu vindicatif, tance les Nariñenses descendants de royalistes. Nous changeons de bus pour un autre qui nous emmène au dernier point civilisé avant la laguna verde. Dix kilomètres de marche féerique nous attendent, à une hauteur où l'oxygène se fait rare, et les plantes extraterrestres foisonnent. Le soleil y brule dès qu'il se lève, et laisse place à un froid intersidéral dès qu'il disparait. Il faut dire que nous sommes plus proches du cosmos. Les saisons de Mars?

La laguna verde finit par dévoiler ses pentes noires, ses palges de nacre et son oeil vert aux marcheurs épuisés. A voir sur facebook les photos de l'album "El Remolino - Quito" pour vous en mettre plein les yeux. L'endroit est si beau que cela pourrait etre la fin du voyage, une éruption ne suffirait pas à nous en déloger mais nous inciterait plutot à y mourir heureux et sans inquiétude. Pour la première fois, Matthias passe huit heures sans avoir faim.

Nous avons fini par redescendre au Pedregal, à coups de taxi rouge et de camionette s'improvisant bus, nous sommes alimentés plus par rigueur intellectuelle que par apétit, et sommes allés nous coucher, faitgués mais bien contents.

26 janvier 2011

Pasto - El Pedregal

Petit expérience du matin: nous testons les boulettes de bohémien que nous avait offert le Caleño de Chachaguí.

A peine sortie et n'étant pas encore sortis de la ville, nous tombons sur un autre voyageur cycliste. Il s'appelle Bart, est hollandais et refuse de dire son âge en accord avec un de ses nombreux nouveaux principes de vie. Il refuse également de porter un casque, car craindre l'accident c'est l'attirer. Nous comprenons rapidement qu'il est un peu beaucoup "fumé" (sans boire d'alcool ni fumer quoi que ce soit au demeurant), sans doute pour avoir été trop longtemps exposé à la solitude (élément radioactif dangereux s'il en est).
Bavard intarissable, nous finissons néanmoins par en apprendre un peu plus sur sa vie, durant les quelques kilomètres faits en commun, grâce à un anglais international soigné. Bien que fou, ce jeune garcon élevé dans la campagne des Pays-Bas et travaillant comme macon entre deux voyages en vélo autour du monde demeure quand même fort sympathique. Nous lui conseillons de lire le "Don Quijote" dont il est l'incarnation vivante, et il s'empresse de noter avidement le nom du bouquin sur un billet de vingt euros...

Après quinze kms de montée et vingt six de descente, nous arrivons au Pedregal, petite ambiance de village frontalier, nous prenons deux nuits dans un hotel et force légumes pour notre première soupe maison que nous cuisons dans la cuisine de "Jeanine" (surnom que nous lui avons donné à défaut de connaitre son vrai nom), généreuse patrone du restaurant d'à coté.

Une bonne sieste poussée jusqu'au derniers retranchements du plaisir dans cette chaleur toute méditerranéenne, suivie d'une longue session blog. Nous en sortons tard et retournons manger de notre soupe avec des arepas de blé frites (dites "hojaldras") et du refajo (mélange bière-soda proche du panaché).

25 janvier 2011

Journée corvées à Pasto

Plein de questions matérielles à régler qui nous occupent presque toute la journée.

Nous faisons nos adieux à Gustavo dans un restaurant végétarien (ô délices! ô saveurs du légume!) près de l'hôtel, et croisons une dernière fois sa mère qui rentre de la sainte-messe avec deux copines. "Nous rentrons de la Sainte-Messe. Nous y assistons tous les jours. Ici, à Pasto, nous sommes tous catholiques. Nous croyons au Seigneur." En disant cela, elle nous fixe intensément, car elle sait, parce que nous lui avons dit, que sur le sujet de la religion, nous ne sommes pas trés clairs. Laura, qui n'est même pas baptisée se sent particulièrement visée.

Décision est prise de nous cuisiner plus souvent nous-mêmes nos repas. Nos intestins ne supportent plus la nourriture des restaurants et nous commençons, chose absolument incroyable nous connaissant, à perdre complètement l'appétit. Nous investissons dans l'achat d'une grande gamelle en aluminium et d'une cuillère en bois.

24 janvier 2011

Pasto - Pasto

Pour varier les plaisirs du matin, nous décidons aujourd'hui de partager à deux un desayuno complet et une salade de fruits géantes. La mélange est un succès diététique et gourmand. Nous déjeunons avec un sosie de Borgés et ses deux potes du troisième âge assis dans notre dos, dont nous essayons désespérément de prendre une photo discrète. Celle-ci se paye par un regard courroucé. On ne s'est pas fait casser la figure.

Longue session café internet pour mettre en ligne nos nombreuses photos (sur facebook, vous devez être ami de Matthias pour les voir). L'opération prend son temps mais finit par aboutir, et nous nous précipitons victuailles en main (patacón con hogao, hamburger qui constitue une grossière erreur en Colombie: ils sont inmangeables, quimbolito (gâteau de maïs moelleux cuit dans des feuilles d'une variété de banane) et une délicieuse part de torta au fromage) chez Camilo pour un départ vers l'escalade de l'imposant volcan Galeras. Celui-ci surplombe Pasto, et entre en éruption environ une fois par an, en prenant soin de couler du "bon côté" de la pente.

La rando est longue et très chouette, nous voyons plusieurs cascades et torrents, tentons de les remonter jusqu'à ce que les pierres se fassent trop glissantes et que Matthias se paye deux ou trois mètres de toboggan qui le laissent avec de l'eau glacée jusqu'au nombril. La chute est heureusement sans gravité aucune, il tremble juste un moment de trouille et laisse filer trois belles truites en retirant ses bottes.

Nous nous payons une superbe vue plongeante de Pasto à son crépuscule avant qu'un bus nous prenne pour redescendre. Matthias, se sentant refroidi, file directement au lit avant qu'une angine n'éclate dans sa gorge, pendant que Laura termine la soirée avec Alejandro et sa bande, autour d'une bonne bouteille d'aguardiente.

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Voyage d'éléphants
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