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Voyage d'éléphants
29 janvier 2011

Étape Tulcán - Quito, fin d'un chapitre

Trois jours et demi de vélo pour joindre Tulcán à la capitale, Quito. Un peu plus de 200kms de montagne, mais rien n'effraie plus nos jambes nourries à la cordillère et aux 3000m d'altitude. De vrais Hercules.

Le premier jour, c'est plutôt de la descente, vertigineuse et enchanteresse (nous filons à travers un grand festival de canyons, haricots magiques de 15m de haut, gigantesques montagnes pelées ou hérissées de bouquets de cactus) jusqu'à la vallée du Chota. Nous retombons en pleine Afrique, à 1600m d'altitude. Il fait une chaleur à crever et nous devons demander refuge à la sournoise petite mamie doyenne du village d'Ambuquí, qui cherche à nous extorquer 15 scandaleux dollars pour la location d'un matelas de 10cm d'épaisseur dans un espèce de débarras plein de toiles d'araignées. Nous refusons le prix tout net et partons manger de la spécialité locale (cochon grillé, maïs blanc bouilli et quelle surprise, riz ; au dessert glace d'un fruit intraduisible, l'ovo) un peu plus bas, lui laissant le temps de méditer sur sa conduite. À notre retour, elle a changé d'avis, c'est nous qui fixons les prix. Nous lui faisons le super cadeau de 8 dollars en remerciement de son hospitalité et décidons de nous mêler à la couleur locale en allant boire une petite limonade au bar voisin. Trois âmes y cuvent leurs cuites de la veille et de l'avant-veille en se cuitant au vin de pêche pour assurer la cuvée du lendemain. Une scène un peu désespérante : y sont mêlés des enfants que l'on asperge de bière au passage parce qu'on ne tient plus debout. Les hommes comme les femmes, plus personne ne marche droit, c'est qu'il n'y a rien d'autre à faire dans ce village. Nous consentons à nous donner en spectacle à la demande générale pour échapper à la tournée de vin pêche et dansons quelques salsas entre nous, puis avec quelques ambuquinois funambules. Et partons nous coucher, puisque non merci, pour la quarantième fois nous ne voulons pas de vin de pêche, et qu'il n'y a pourtant que cela à faire.

Le deuxième jour Ambuquí - Otavalo, nous traversons la vallée du Chota : fleurs rose, fleurs jaunes, fleurs orange dont la croissance consiste à pourfendre la fleur qui précède suivant une chaîne de meurtres à la verticale très curieuse comme la technique des colliers de pâquerettes, fleurs comme des cloches en papier de soie, fleurs cramoisies comme des bulles de sang en haut des cactus et dont les gens font la cueillette pour les manger... et petites mouches vampires dont nous nous souviendrons. Remontons sur les hauteurs jusqu'à Ambarra laissant aux mouches quelques millilitres de sang en partage. De Ambarra, nous filons à Otavalo. La route est un tapis de satin. À Otavalo, les femmes Quichwa portent les habits traditionnels: sandales en toile recouvrant la pointe et le talon avec semelles en osier, chemises en coton blanc brodé de fils de couleurs vives, jupes fendues et doublées et tissu épais bleu foncé et blanc pour le jupon, châle passé en travers de la poitrine, nattes. Les femmes et les hommes aux longs cheveux noirs que nous voyons passer dans les rues d'Otavalo portent une histoire millénaire sur leurs visages, et de toute leur personne émane une grande dignité. Nous manquons de fondre en larmes en découvrant à deux pas de l'hôtel un restaurant qui comprend une carte à fromages, vins et salades. Nous endormons les papilles extatiques.

Troisième jour : en passant par Cayambe où, ô joie, ils font eux aussi de super fromages, jusqu'à Guayllabamba, au pied de la montée pour Quito. Au cours de cette étape, nous franchissons ni plus ni moins que la ligne de l'Équateur et passons ainsi d'un hémisphère à l'autre, et de l'hiver à l'été. C'est un peu extraordinaire alors pour marquer le coup, la terre s'ouvre en de profonds sillons qui deviennent des canyons tout en bas et les vents se mettent à souffler tous en même temps avec une violence inouïe, soulevant d'aléatoires nuages de poussières qui nous piquent les yeux, et menaçant de nous projeter dans d'insondables précipices. Nous grimpons cinq ou six cents mètres que nous redescendons symétriquement (la condition prométhéenne du cycliste en montagne) et tombons au fond d'une vallée poussiérieuse, dans un village-étape, grand parking à camions, pas très funky et au nom imprononçable : Guayllabamba.

Quatrième jour : le petit raidillon de 600m de dénivelé sur 12kms pour atteindre les hauteurs de Quito, ville étalée comme une tartine de beurre sur toute l'étendue d'un vallée encaissée entre plusieurs volcans de plus de 4000m d'altitude. Un peu magique comme endroit, quand même. Un centre historique époustouflant, qu'ils viennent tout juste de restaurer après un grand tremblement de terre. Bonne ambiance. Nous traversons 25kms de ville un peu pénibles et dégotons un petit hôtel pas cher que nous laisserons deux nuits plus tard pour la chambre grand luxe d'une amie guatémaltèque : Anna.

Presque une semaine a passé et nous sommes toujours à Quito. Les rencontres nous y aurons retenus un peu plus longtemps que prévu : Ricardo, un "Paisa" (de la ville de Medellín en Colombie, dont les habitants sont réputés pour leur débrouille) pure souche qui revient du service militaire sans le moindre pet au casque, frais comme une fleur des champs, avec une envie de croquer dans la vie qui donne froid dans le dos ; Leandro, un quiteño épris de théâtre et qui fait ses études en Argentine pour devenir une star du cinéma mexicain ; Adonis le cubain qui à la déclaration innocente de Matthias "J'adorerais aller à Cuba" répond "Moi aussi!" : une très bonne blague castriste car au bout de 11 mois hors du régime, c'est inscrit dans la loi, un Cubain perd la nationalité et doit demander un visa pour retourner dans son propre pays ; Anna notre hôte guatémaltèque qui a roulé sa bosse par monts et par vaux et qui fait actuellement un stage dans les Amazones équatoriennes pour obtenir le diplôme de prof de rafting ; Fernando le physicien argentin sur la route depuis plus d'un mois à dormir sur les plages et à vendre ses excellentes photos de voyage pour gagner sa croûte... Des visages et des voix qu'on oubliera peut-être, sûrement même, mais qui pour quelques instants sont un peu notre famille et notre maison à l'autre bout du monde.

La semaine de repos se termine aujourd'hui, il faut régler les préparatifs et repartir. Le plan est de traverser toute la Sierra andine équatorienne jusqu'à Cuenca, de piquer sur la côte pour passer la frontière du Pérou et de là, suivre la côte jusqu'à Lima. Ceci constitue le second chapitre de notre voyage, nous y entrons demain au lever du soleil.
Décision fut prise, également, à Quito, à l'issue de longues tergiversations, de ne pas aller au Chili. Trop grand détour, pas le temps. Une fois à Lima, nous piquerons sur La Paz, en Bolivie (troisième et dernier chapitre du deuxième tome), ce qui nous permettra à la fois de voir le Machu Picchu et le lac Titicaca et d'arriver plus vite au Brésil. Notre aventure à velo s'achèvera très probablement en avril dans la ville de La Paz et nous passerons au troisième tome : le Brésil!

À voir si ça n'est pas déjà fait: les photos sur la page facebook de Matthias (Matthias Péri Moreno sur les grands registres de facebook).

(petite anecdote en live : j'écris ces lignes au son de "Vas-y Franky c'est bon", incroyable rencontre au fond d'un cyber-café du quartier des affaires de Quito)

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