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Voyage d'éléphants
11 avril 2011

Lima - Cusco

Nous sommes restés 3 jours et 4 nuits à Lima, dans une famille d'une gentillesse incroyable, gentillesse largement à la hauteur de la torta de tres leches que nous leur avons préparée, la veille de notre départ, un peu pour les remercier et beaucoup pour se faire plaisir... Nous y étions hébergés en même temps que deux artisans ambulants, respectivement vénézuélien et uruguayenne, qui parcourent l'Amérique du Sud en vendant leurs créations. Intéressant d'être en contact rapproché avec deux membres de cette communauté que l'on croise dans toutes les villes du monde, sortes de saltimbanques à dreadlocks et tendances hippies, assis derrière leurs petits étalages de bracelets de ficelle et pendentifs à dents de requins et pierres précieuses... en fait, pas de mystère, on apprend que la plupart d'entre eux dorment dans des hôtels et voyagent en bus, comme Monsieur-tout-le-monde.

Nous sommes remontés en selle couverts de cadeaux et de bénédictions, qui ont même amené Laura à porter un petit Christ autour du cou (idée de Marylin, la petite soeur de notre hôte et notre petit ange gardien, qui n'a cessé de nous envoyer des SMS d'encouragements sur notre portable par la suite) pendant les quelques jours qui ont suivi. Rencontre vibrante.

Nous prenons la 4 voies au Sud de Lima, la route des plages, couverte de pubs gigantesques spéciales vacances d'été sur au moins 100kms. Le deuxième jour, nous nous retrouvons au milieu de nulle part à l'heure du repas, aucun restaurant à l'horizon mais des vignes et des vignes à perte de vue. C'est la région d'Ica, réputée pour ses bons vins (mais nous n'en avons pas bu une goutte, dans notre mouvance du moment, ultradisciplinaire réglementée couche-tôt mange-sain). Alors que faire? Nous demandons secours à une dame au travail et elle nous indique la cantine des paysans, pointant du doigt le milieu d'un champ de vigne de l'autre côté de la route. Tous contents de cette expérience pittoresque qui s'annonce, nous nous enfonçons dans les vignes, sous les rires étonnés et les gentils quolibets des équipe d'ouvriers agricoles qui nous voient passer en poussant nos vélos, avec nos déguisements criards de cyclistes. Dans une cour de ferme, au milieu d'un tout petit hameau que notre présence aura secoué comme un tremblement de terre, un groupe de dames prépare une chicharronada, autrement dit, des morceaux de cochon frit dans l'huile, accompagnés de patates et de purée de fèves au piment. Notre estomac, en les voyant entrer un à un ces morceaux de friture frite et refrite, ne manquera pas de s'écrier, lui aussi: "Hmmm, quelle expérience pittoresque!" Bref, la digestion fut difficile.

Quelques nuits de camping sauvage au creux des dunes plus tard, nous arrivons à Chincha. Comme le veut la tradition, nous commençons à débattre à voix haute, dans la rue, des prix des hôtels (Laura radinant 5 malheureux soles, Matthias privilégiant l'option douche chaude). La discussion n'avance pas beaucoup et la fatigue nerveuse monte avec le ton de nos voix, lorsque dans notre dos retentit un "Bonjour!" bien franchouillard, du gars tout étonné d'entendre parler français à un endroit pareil. Ludovic, chauffagiste bourguignon. Il chattait sur Internet après ses journées de boulot et de périph en région parisienne jusqu'à ce qu'il décide de partir au Pérou, à Chincha, à la rencontre de Vanessa, la future mère d'Alexandre. Depuis, il parle couramment le chinchanais, salue les voisins d'une bonne grosse tape dans le dos et fait des projets de déménagement définitif. Son truc, c'est l'archéologie. Sur Alexandre le Grand, il est incollable. Nous accueillons ce nouveau clin d'oeil de notre bonne vieille amie la Providence avec gratitude et nous laissons installer dans l'appartement de ses beaux-parents, Jaime et Sonia.

Une bonne journée de repos et une virée chez un mécano incapable (encore un) plus tard, nous sommes repartis pour Ica, Palpa et Nasca. Le vélo de Laura fait de drôles de crissements mais "on verra bien"...

Du désert encore, de la chaleur... des cultures de cactus (!). Derrière une colline, wow, une grande vallée fertile et puis à nouveau de la poussière, un vent brûlant, de la caillasse.

Nous traversons brièvement la plaine immense où sont dessinées les fameuses lignes de Nasca et grimpons en haut d'un mirador à 2 soles pour distinguer vaguement une espèce de hibou avec deux mains et un arbre stylisé. Ça casse pas des briques. On file jusqu'à Nasca, la ville aux portes de la grande, grande montée jusqu'à des hauteurs jamais atteintes, 4500m d'altitude...

À Nasca, achat d'une tente à 1.4kgs seulement, chez un marchand d'armes pas rassurant. On le regarde anxieusement s'y reprendre à deux fois pour réenfiler la tente, qu'il nous a gentiment dépliée, dans son étui d'origine, et si ça l'énervait d'un coup, qu'il dégainait deux flingues de la vitrine et qu'il nous tuait tous en éclatant d'un grand rire hystérique? Mais non, fabulations d'amateurs.

On est frais, on attaque la montée le lendemain, aux aurores, en chiquant la feuille de coca pour se donner du moteur. Bonheur de nos retrouvailles avec la montagne. On n'en finit par de se réjouir de tournicoter dans les mille et un lacets de la montée de Nasca, une route satinée, toute neuve, qui en 84 kms nous emmène au pays des vigognes et des alpacas. D'abord, on longe un fleuve asséché depuis sûrement plusieurs centaines d'années. Ce sont encore des cailloux, de la poussière, et des cactus de type ronds avec des excroissances orange vif qui sont leurs fruits. Le soleil se lève et s'étire, il ne fait pas mal, il réchauffe juste ce qu'il faut. Lorsqu'il est bien réveillé et qu'il commence à cuire, on est déjà grimpés à plus de 1000m d'altitude. C'est alors le retour de la planète Mars : des kilomètres et des kilomètres de montagnes de pousière oragne bossues, hérissées par endroits de cactus d'un genre nouveau. Matthias remarque leur ressemblance avec les mains de l'espèce de hibou nasca, des cactus comme des mains avec de longs doigts recourbés vers l'intérieur, d'allure totémique. Nous continuons à grimper dans des températures convenables, par paquets de 6 kms. À cours d'eau potable, on commence à flipper, surtout lorsqu'enfin on trouve un village et qu'il est absolument désert, si ce n'est un gros dindon pas commode chargé de la garde du dépôt de boissons (fermé) en l'absence de ses propriétaires. Heureusement, l'angoisse ne durera que 3 kms et nous trouverons un restaurant tenu par un monsieur qui nous propose de le racheter pour vraiment pas cher, et qui nous vend des boissons énergétiques et de l'eau. Au kilomètre 52, nous faisons escale à Villatambo, dans un restau routier, le seul avant le kilomètre 84 (la cime). Notre séjour se prolonge parce que Matthias doit retourner à Nasca en stop pour faire réviser la roue avant de Laura qui fait vraiment beaucoup de bruit: le mécano de Chincha lui avait mis 11 billes de roulement au lieu de 9, une erreur que nous ne qualifierons pas.

Nous finissons tout de même la montée le lendemain après-midi, et arrivons au km 84 à la tombée de la nuit, au milieu de l'immense réserve naturelle de Pampa Galeras, salués par plusieurs familles de vigognes (espèce de camélidé en voie de disparition, sorte d'antilope des altiplanos). Dormons dans un dortoir construit par un groupe de biologistes allemands dans les années 80, à la création de la réserve. Ô bonheur du matelas et des couvertures, alors que dehors, il caille sec. Pas loin de zéro à l'ombre, quelques paquets de neige par-ci par-là.

De là, nous resterons, pour faire court, plusieurs jours consécutifs à plus de 4000m d'altitude. C'est rude pour les poumons et on n'avance pas très vite. Tant pis, tant mieux, parce que ça nous donne l'occasion de regarder tomber la pluie à l'abri dans des chalets-restaurants d'altitude, au milieu des éleveurs d'alpacas. On apprend beaucoup au contact de ces gens qui vivent dans des conditions d'isolement aussi extrêmes. L'espace s'élargit à mesure que la nature se fait hostile. Et puis, c'est la grande redescente jusqu'à Puquio, et soudain on retrouve tout le vert du Pérou : les ruisseaux bondissants, les gras pâturages, les fleurs sauvages et les papillons. Un petit morceau de Suisse romande au milieu du Pérou.

Les 300 derniers kilomètres, en gros, jusqu'à Cusco, nous dévalons et remontons des vallées encaissées et exubérantes. Quelques cols de difficulté moyenne nous cassent les jambes juste ce qu'il faut pour nous ouvrir l'appétit... Ça tombe bien car les truites sont excellentes! Les climats se succèdent à la vitesse des latitudes. Un bref passage de presqu'Afrique avec papayiers, manguiers et perroquets nous enchante complètement.

À Casinchihua, km 416, nous dormons chez un vieux monsieur qui vit entouré de tous ses animaux: 2 chiens malades, au moins 3 chats timides, une trentaine de cochons d'inde (destinés à la consommation), une colombe paraplégique et une énorme poule diva avec une coupe d'enfer et des plumes entre les serres. Maître en son domaine, c'est un homme heureux.

À Curahuasi, à deux étapes de Cusco, nous sommes logés chez une dame d'origine quichua extraordinaire, qui a ouvert sa petite auberge au creux des champs. Nous partageons avec elle notre soupe aux vermicelles et nos arepas de farine de blé, en parlant d'avortement, de nucléaire et de perspectives de vie...

Et nous voilà au terme de notre voyage, à Cusco. Nous avons décidé de le clore plus tôt que prévu car le temps passe et le Brésil n'attend plus...

Prochain épisode: épilogues, les adieux aux bicyclettes ; le trek de 5 jours jusqu'au Machu Picchu ; le lac Titicaca ; et la ville de La Paz en coup de vent.

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Commentaires
A
De toute façon le monde entier est un cactus, il est impossible de s'asseoir (<===== commentaire qui sert à rien)
Voyage d'éléphants
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