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Voyage d'éléphants
16 octobre 2010

On est quasi à Caucasia

   A la fin de cette fatigante nuit, le seize Octobre, nous nous sommes réveillés un peu trop tard puisqu'ils étaient quatre heures trente. Or, à partir de maintenant, nous devons nous lever plus tôt, pour éviter la chaleur écrasante qui dès onze heures souvent interdit toute pratique sportive à l'air libre. Nous avons poursuivi notre descente, onirique dans un nuage, un nuage fantasia, prenant sans cesse de nouvelles formes, qui ne seraient sans doute pas permises en Europe, jusqu'à Puerto Valdivia où le Río Cauca était en crue. Il était tout chargé d'une boue rouge, comme une vivante statue de terre mêlée à du sang cru. En descendant, nous changeons de vaches, ce qui m'amène à la grande constatation. En Colombie il y a deux sortes de vaches, les vaches d'en haut et les vaches d'en bas. Celles d'en haut sont comme les bretonnes, noires et blanches, bien que de poil plus trapu; celles d'en bas sont plutôt comme des buffles, le cou pendant, les oreilles longues et pendantes, une bosse de graisse pendant à leur dos, et un visage coulant qui en dit long sur leur caractère neurodépressif. Nous passons Tarzá, qui commence à bien ressembler à une ville du Sud, d'Afrique, à Macondo, bref, à une petite marmite de noirs en ébullition entourée de sable et de légumes. En chemin, nous croisons "El Caminante", un homme qui passe sa vie à voyager en vélo à travers 22 Etats de la Colombie. Il arbore fièrement le drapeau de son pays, mais à part ça il ne transporte pas grand chose comparé à nous. Avec K. on s'est longtemps demandé sur quoi il avait bien pu racler en terme d'équipage. Vu l'état avancé de sa pourriture dentaire (à ce stade, ratiboisé gingival semble plus précis), on sait déjà qu'il n'a pas de dentifrice.
Mais ce n'est pas encore ce qui prend le plus de place...
   A Puerto Bélgica, almuerzo. Nous nous arrêtons dans un restaurant très chic, tenu par une vieille femme au corps très sec. Le genre de vieille maquerelle à la française, un peu anorexique, un chignon tiré sur des lunettes en demi-lunes, et qui fume en travaillant. Autrefois championne de boxe, elle vit toujours entourée de ses filles, toutes métisses ou de race nègre. Nous nous reposons à même le sol, et je lis passionnément ce bon vieux GGM (Gabriel García Marquez). Au moment du départ, il faut payer, et elle nous rappelle à voix bien haute qu'elle nous a proposé une chambre gratos pour faire la sieste, mais que nous avons refusé. Histoire de faire monter publiquement sa côte. Il est 15h30, nous enfilons 20 kilomètres más. Nous nous arrêtons dans une villa gigantesque et cossue, située à moins de cinq cent mètres d'un village entier où pas une seule cabane (pour ne pas dire maison) n'est bâtie en dur. Nous arrivons bien bronzés, du mollet au genou, et du poignet jusqu'au coude... La señora nous accueille très bien verbalement, mais elle ne peut pas nous laisser entrer sans l'accord de son mari absent. Nous l'attendons en nous étirant. Il rentre du village. Ils finissent par nous offrir très généreusement une chambre climatisée et un repas chaud. C'est notre première nuit hors de la cordillère et les moustiques sont plus nombreux que jamais. Les salauds ont dû faire le tour par en bas pendant que je ne cessais de monter pour redescendre. On dirait qu'ils veulent rattraper le temps perdu avec moi: je les écrase par groupes de cinq sur mes pieds, mes mains, ma nuque, et toute partie de chair qui a le malheur de dépasser de la veste longue que je porte malgré la chaleur. Les moustiques sont ainsi, ils sortent à l'heure où l'on ne saurait plus tenir un humain dedans: au crépuscule, quand arrive la première fraîcheur, et qu'il a bien mariné toute la journée dans sa case. Rusés comme des toxicomanes, lorsque la chair est trop labourée de griffures et de boutons enflés, ils vous choppent les dernières veines intactes là où elles se cachent, piquant sous les ongles ou au creux de l'oreille, près du tympan. Que dire sinon que la Nature est bien faite? Y que a los zancudos les gusto yo.
  Dernières notes avant le sommeil: 1) Une étrange volaille aux allures de reptile, dont j'ai malheureusement déjà oublié le nom, croît dans cette ferme. La voir courir dans les champs rappelle furieusement certaines scènes de Jurassic Park.
                                                    2) Au fur et à mesure que nous nous éloignons de la cordillère, on remarque que les bosses se font plus petites et plus espacées, comme des piqûres de rappel.

Mapa_3

LEXIQUE :

más : en plus

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Commentaires
A
Comme les vaches, il y a les papous... Chez les papous, il y a les papous papas et les papous pas papas, et chez les papous, il y a les papous à poux et les papous pas à poux, mais là où ça se corse, c'est qu'il y a les papous papas à poux et les papous papas pas à poux, et aussi les papous pas papas à poux, et les papous pas papas pas à poux, mais en plus il y a les papous papas à poux papas, les papous papas à poux pas papas, et aussi les papous pas papas à poux papas et les papous pas papas à poux pas papas !<br /> Sinon lire GGM sans étouffer, suer et se faire bouffer par des moustiques, ça compte pas ! <br /> Et le mec a dû échanger un tube de dentifrice contre un tube de lubrifiant !
Voyage d'éléphants
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