Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Voyage d'éléphants
3 novembre 2010

Maladie à bulles, pistolet des intestins

   Et c'est parti pour la recherche d'aventón! Suivant les conseils avisés de K. (qui est descendue des Etats-Unis au Nicaragua en stop), nous nous rendons au premier retén de police pour leur demander un coup de main (je sais, à moi aussi cela m'a paru bizarre au début, mais en fait c'est une bonne méthode, les flics sont vraiment très sympas avec les voyageurs). Je profite de notre longue attente pour prendre un copieux petit-déjeuner chez un marchand ambulant (riz au safran, ragoût de mouton, yucca, agua de panela, tout fait maison, délicieux). Mais il semblerait qu'aucun camion n'aille dans notre direction. Les policiers nous conseillent d'essayer une autre sortie de la ville où selon eux nous aurons plus de chances. Nous nous y rendons. Là encore on nous réserve un très bon accueil (on nous offre des pony malta, boisson sucrée non-alcolisée à base de malt fermenté), mais on finit par nous dire que nous avons peu de chances d'être pris en stop avec nos vélos, car les camions qui transitent par Maicao sont en général d'énormes transbordeurs transcontinentaux, c'est à dire portant des containers scellés pleins de marchandises. Bref, pas de place pour deux vélos.
   Nous nous rendons à la raison et décidons d'aller au terminal prendre un bus. A pied, puisque mon vélo profite de ce grand désarroi pour effectuer sa (dernière ?) crevaison. Nous marchons donc têtes basses sur trois petits kilomètres, nous en profitons pour faire un bilan moral de notre aventure; c'est alors qu'un grand changement se produit en moi. K. veut repartir à Bogotá car elle est trop malade, mais je sens une force grandir à l'intérieur de mon âme cacochyme, qui me dit que je ne veux pas rentrer, pas encore, et que j'aime être sur la route. Je prends donc la résolution d'aller seul à Bucaramanga, et terminer le voyage en vélo, si Dieu le permet. Je fais part de mon idée à K. dans un grand moment de déclaration. Elle me regarde mi-surprise mi-amusée, et m'annonce en rigolant que l'élève a dépassé le maître. C'est vrai qu'elle m'a sacrément infecté avec son virus du voyage. Mais je devais sans doute être un sujet particulièrement fragile. Le bus pour Bogotá sort dans une demi-heure. Je disais donc au revoir à cette amie extraordinaire, cette rencontre inatendue qui a fait basculé le cours de notre voyage, et a très certainement changé ma vie.

   Je me trouvais donc seul à négocier avec la foule bruyante le prix de mon passage. Un curieux énergumène habillé en chauffeur de ligne me dit qu'il peut m'emmener pour un prix incroyablement bas jusqu'à Ciénaga et de là négocier un autre passage, blalbla, il me baratine à mort et je n'y crois qu'à moitié, par-contre j'apprécie moins en faisant volte-face d'apercevoir mon vélo à trois mètres du sol, déjà hissé par ses hommes de main sur le toit de son bus pirate sans que j'aie jamais donné mon avis. J'ai tout juste le temps de faire un bond en l'air pour l'aggriper, faisant tomber deux des hommes et tout mon bagage, heureusement sans mal, et m'en aller courroucé. De nombreuses personnes viennent me dire que j'ai bien fait, qu'il y a beaucoup d'arnaqueurs ou pire qui essaient de profiter des touristes, et qu'il vaut mieux s'adresser aux grandes lignes. Je me dirige donc vers les bureaux de la Copetrans, et il y a justement un bus qui part dans moins d'une heure et pour lequel on peut me faire un prix attractif  (60000 pesos, soit 25 euros pour faire 650 kms). Mon conducteur a l'air d'être une sacrée fripouille doublé d'un nerveux. En d'autres circonstances, nous aurions sans doute pu devenir proches amis, mais là nous devons discuter ensemble du prix du transport de ma bicyclette. A la fin il nous sort un 30000 pesos. J'avoue avoir perdu (les négociations ont démarré à 10000 contre 50000, et je ne voulais pas payer plus de 20000). Je démonte ma roue arrière et charge la bête dans la soute. Il me harcèle d'allusions douteuses vis-à-vis de "la china" (Laura K.) qu'il a aperçue avec moi tout à l'heure, et sur laquelle il décharge son trop-plein de frustrations libidineux. Bonne pour Z (geste vif horizontal du plat de la main). Il a le cheveu très fin et rare, rabattu en arrière sur le crâne avec de la gomina, un peu comme moi. Oui, décidément, toi c'est moi qui aurait mal tourné. C'est pourquoi je ne t'accorde aucune confiance. Je me méfie toujours énormément des gens qui me ressemblent.
   On démarre. Les chauffeurs s'arrêtent à Cuatro Vías pour prendre un verre de chicha (alcool fermenté de maîs, boisson très forte...). Je meurs de froid à cause de la clim poussée à fond les manettes. Le seul à ne pas avoir pris de veste (je n'ai que mon short et mon maillot de cycliste, trempés de sueur: dehors il faisait presque trente cinq degrés), je contemple le reste des passagers tous munis de trois pulls pour affronter les huit degrés centigrades du bus.

Je n'aime pas trop la clim. C'est normal, parce que je ne suis pas un produit laitier: je n'ai pas besoin qu'on me mette au frigo pour qu'on me conserve.

Je réclame, il me dit qu'on va s'arrêter dans dix minutes. Il ne me permet de descendre dans la soute que deux heures plus tard, sur mon insistance, à la faveur d'un bouchon. Je m'y faufile allègrement pour farfouiller mon sac de fringues, réchauffant ce que je peux de squelette dans la délicieuse chaleur infernale du dehors.
   Permière pause à Valledupar. J'enchaîne les boissons chaudes malgré le climat tropical. Nous remontons et filons entre les 2 deux cordillères (la centrale et l'orientale). Le spectacle est impressionnant, tant le contraste est marqué entre la plaine où nous sommes et ces deux barrières à la fracture nette qui bordent notre horizon. Il ne semble pas possible de faire autre chose que de suivre ce couloir dont on ne voit pas la fin. Une métaphore auto-routière de l'existence. Nous croisons Curumaní et Aguachica. Pause repas. Super, j'ai la caquesangue et la crève. Je n'achète qu'un pepsi chaud et un poncho de laine, négocié très tranquillement après mes marques d'intérêt et mes explications (je voulais une écharpe): 20000 pesos. J'ai moins froid, mais de plus en plus la courante. Heureusement que les bus de la Coopetrans sont équipés de confortables toilettes de bord. A n'utiliser qu'assis, comme le suggère le panneau suivant:

villa_de_leyva

On nous passe en boucle des films violents, avec toujours le même énorme chaud en acteur principal, que j'avais déjà connu au Chili. Nous arrivons finalement à 23h00 à Bucaramanga. Il n'y a qu'un seul hôtel au terminal, très chic mais très cher. On finit par me céder la chambre à 43000 pesos (un peu moins de 20 euros). Par-contre, je peux prendre ma première vraie douche chaude en Colombie! Ça valait la peine.


FIN DE LA TROISIÈME PARTIE

( 498 KMS en vélo, 650 KMS en bus)

(DISTANCE TOTALE PARCOURUE EN VÉLO : 1641 KMS)


album photo de cette partie du voyage


Mapa_Colombia_2_bis

Publicité
Publicité
Commentaires
A
Et oui tu deviens un homme mon fils...<br /> Les produits laitiers (et Matthias) : des sensations pures...
Voyage d'éléphants
  • Voici un blog destiné à rendre compte de notre année sabbatique en Amérique du Sud. Vous y trouverez lamas, babouches, opérations bicyclette, bouffe étrangère, treks dans la jungle, chats géants et tortures FARC pour pas cher pas cher !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Publicité