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Voyage d'éléphants
5 novembre 2010

Mémoires de Santander

   Il pleut à Santander, et le soleil en même temps. Je me lève le plus tard que je me suis levé de tout le voyage: 9h30. Salut tout le monde, je vais prendre un café. Avec une arepa. Et pour accompagner, un cal de huevo (la changua con pomme de terre, qui se rapproche dangereusement de la boulangère), un chocolate, et une granadilla. Mettez-moi également une arepa de queso, por favor, j'ai peur de m'envoler. Avant d'avoir retrouvé avec bonheur la bonne cuisine santandereana. Ici on voit les seuls blancs de Colombie: pourquoi les Santandéréens ne bronzent pas? On n'imagine pas tout ce qui se cache sous un ongle. C'est dégueulasse... J'attends le prix de mes agapes. Le couple de la boutique en discute longtemps. Je me dis: s'ils sont en règles, je leur demande un café de plus, sinon, j'irai le boire ailleurs. Mais je me rends bien compte que c'est faux, que je vais le leur demander quoi qu'il arrive. Après tout ce que je me suis phagocyté... Je ne risque plus de m'envoler.

Ah ese coqueiro que da coco...

   5000 pesos, et ils m'offrent le café. Ça fait plaisir de tomber sur des commerçants honnêtes. Je suis resté longtemps dans cette tienda, méditatif, mélancolique, en proie à des émotions vives. Chantant pour moi-même "Chega de Saudade" et "Acuarela do Brasil". Puis je suis rentré chez Erika. Oscar s'est fait arracher une muela ce matin. Nous déjeunons, je plie bagage, et je me lance à nouveau sur la route. Traverse Bucaramanga et les villages connexes, puis commence à monter. Après tous ces tropiques, je retourne vers la montagne, que je retrouve avec plaisir, très sérieusement. Monter ne me fait plus si peur, j'en éprouve un réel contentement. Et mes tours de pédale ne m'éloignent désormais plus de Laura. Bientôt je serai sur la cordillère orientale que j'ai jadis quittée. Bientôt je verrai les nuages lourds de Bogotá, que jadis de carreau.

    Je m'arrête dans un motel routier. La patronne, Aurora, s'intéresse à mon cas et me félicite. Ah, à nouveau sur la route! Je mûris quelques pensées sur l'homosexualité allongé dans mon lit, me douche, vais prendre un café, un hot-dog et une part de gâteau au chocolat dans la station-service. Demain j'attaque "El Pescadero", la montée la plus dure de tout notre voyage. Je suis en train de lire "La Vorágine", roman colombien de José Eustache Rivera. Une des choses qui m'ont le plus commotionné en langue espagnole, après le Quichotte bien sûr. Ensuite, je relis mon petit carnet et mes premières aventures jusqu'à Medellín. Je ris au éclat en pensant que je suis trop con. A tout ce qu'on m'a proposé, je me suis détendu et j'ai coopéré. C'est vrai, je n'en suis pas sorti indemne. Mais le principal risque que j'ai couru, c'est de vouloir y rester, et de ne pas rentrer. Je n'arrive pas à dormir, alors je continue à lire mes aventures. C'est déjà oublié, c'est déjà du passé. Je me dis que ce n'est pas si mauvais, que c'est comme un roman. A la fin, je finis par complètement perdre de vue qu'il s'agit de moi, et je suis surpris quand le récit s'arrête sur ce "Je ris au éclat en pensant que je suis trop con". Ça fait une boucle dans ma tête, du genre Matrix, j'essaie de l'attraper pour m'assomer avec.

Un âne meurt, entre deux meules, de sa faim.   
La meule meurt, entre deux ânes, de ses foins.
La justice est rendue si le poète meurt             
Affamé indécis, milieu d'alexandrins                  
Comme le vers périt d'être entre deux poètes.
   

    Mapa_10

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